Il s’agit d’une journée particulière pour le Président du Payment et Fintech Club. En effet, Laurent Nizri, CEO d’Altéir Consulting monte sur la scène pour la dixième année consécutive. Ce club animé depuis 8 ans par l’ACSEL a pour but de s’interroger sur l’évolution de l’écosystème du paiement et de la finance. Comme aime l’affirmer Laurent Nizri :
« tout ne doit pas venir des Etats, les acteurs ont un rôle important à jouer ».
C’est d’ailleurs le but du Payment et Fintech Club : permettre aux acteurs de partager et d’échanger de manière collective sur les bonnes pratiques.
Dans l’écosystème du paiement, « le cours de la bourse n’est pas un KPI managérial »
Pour introduire sa matinée, Laurent Nizri invite sur scène Gilles Grapinet, CEO de Worldline, anciennement filiale d’ATOS. Devenu un groupe indépendant depuis le 3 mai 2019, Worldline a pour ambition d’être l’acteur leader de la consolidation. D’après Gilles Grapinet, l’écosystème du paiement voit sa chaîne de valeurs se transformer. Le marché découvre en effet des catégories d’actifs inconnus. La valorisation des sociétés de paiement a progressé depuis 5 ans. Gilles Grapinet met en garde contre ce phénomène mondial : « le cours de la bourse n’est pas un KPI managérial ».
« Le paiement est une industrie qui amène à fabriquer des acteurs en permanence. Cependant l’Europe a un retard à rattraper en terme de consolidation. Nous vivons une période de mise à l’échelle de notre monnaie commune. Il ne faut pas oublier que nous avions, il y a encore peu de temps, 23 changes différents. Il faut du temps pour que l’industrie du paiement se mettent à l’échelle ce que le législateur a rendu possible. Nous devons faire avec notre héritage historique. »
La différence avec les Etats-Unis, par exemple, est flagrante. « Aux Etats-Unis, les trois premiers acteurs du paiement font 80% des transactions. En Europe les trois premiers font à peine 50% des transactions ! »
Le paiement dans tous ses états : une matinée rythmée par des échanges
Entre acteurs historiques et jeunes startups, quels sont les parcours et les interactions des acteurs qui se rencontrent sur le marché du paiement ?
La transformation des acteurs historiques
Les témoignages d’Ingenico et de Vérifone nous aident à mieux comprendre cette transformation opérée par les acteurs historiques. Comment ces deux marques ont-elles rompu avec leur image de fournisseurs de terminaux de paiement ? Nicolas Huss, CEO d’Ingenico, explique que sa société a décidé de « se réinventer il y a cinq ans ». Aujourd’hui les terminaux Ingenico ne représentent « plus que » 40% du chiffre d’affaires. De la même manière, les terminaux Vérifone ne représentent « plus que » 30% du chiffre d’affaires français. Les 70% autres se trouvent dans les services liés au paiement.
Par ailleurs, parmi les priorités des acteurs historiques : la chasse des talents! Nicolas Huss témoigne : « ce qui m’obsède chaque jour c’est d’aller chercher le talent dont on aura besoin pour se réinventer toujours et encore ». La clef du succès serait de se remettre en cause chaque jour pour attirer le talent. La culture de l’entreprise joue donc pour beaucoup.
Tous s’accordent à dire que, dans le paiement, les possibilités de partenariats sont infinies et pas encore assez exploitées. Caroline Thelier, General Manager France Paypal revient sur les différentes acquisitions stratégiques réalisées ces dernières années. L’objectif est d’acquérir plusieurs bricks, combinées autour d’un service clef en main : Paypal.
Les acteurs historiques se voient obligés d’évoluer. De plus en plus, le consommateur est dans le contrôle de son moyen de paiement. Il existe donc une course pour aller chercher des populations différentes et plus jeunes.
Les nouveaux entrants dans le paiement : des hauts et des bas
De la même manière que les acteurs historiques, les nouveaux entrants sont sans cesse en train d’évoluer pour s’adapter à l’écosystème des paiements.
Resto Flash par exemple avait un objectif bien précis en arrivant sur le marché début 2011. Comme l’explique E. Rodriguez Maroto, CEO de Resto Flash « nous cherchions à disrupter un marché archaïque et complexe comptant 4 millions d’utilisateurs quotidiens ». Si son offre a connu des hauts et des bas, aujourd’hui Restoflash sait que son succès vient de sa résilience et de son équipe stable. De même, « le secret pour rester en vie c’est la confiance. Quel que soit l’investissement, il faut construire une marque, ce qui entraîne une construction de confiance ».
Fondée en 2017, Silkpay a bien compris l’importance d’évoluer avec son temps. La CEO, Annie Guo, explique en quoi ce fournisseur de solutions de paiement est une aubaine pour les marchands européens voulant atteindre les consommateurs chinois.
« On compte 2 millions de chinois par an en voyage en France. Un chinois dépense en moyenne 2000€ par jour. Équiper les magasins avec Alipay et WeChat Pay c’est proposer à ses clients une expérience client identique à celle à laquelle ils sont habitué. Le paiement mobile par QR code est peut-être une révolution en France, mais c’est le quotidien dans l’Empire du milieu ! Le gros du travail réside donc dans l’éducation du marché occidental ».
La CEO de la néo-banque Xaalys des 12-18ans, Diana Brondel, confirme. L’éducation du marché est primordiale. « Nous avons de la même manière tout une réflexion autour de la confiance. Celle-ci ne se décrète pas, elle se construit avec le temps. Nous sommes fiers d’avoir MasterCard comme parrain pour accompagner cette confiance. Par ailleurs, pour être la plus transparente possible, notre application est entièrement paramétrable. ».
Quel vecteur de coopération entre les FinTech et les acteurs historiques ?
Une coopération entre les acteurs s’impose pour créer de la valeur et de l’innovation. Les invités de cette dernière table ronde en sont sûrs: FinTech et acteurs historiques ont beaucoup à s’apporter.
« Dans le grand mercato des paiements où se situe Natixis, on croit beaucoup aux partenariats ». La preuve avec la présence de Christophe Bourbier, CEO de Limonetik. Fondée en 2008, cette FinTech a gardé son âme de startup.
« Il y a énormément d’innovations dans le paiement. La multiplication incessante des moyens de paiement permet à l’étape du paiement de se fondre de plus en plus dans l’acte d’achat « plaisir » et d’être de moins en moins visible et donc sensible. »
Pourtant, si l’acte de paiement se simplifie à l’extrême, c’est bien derrière ces impératifs de fluidification et d’omnicanal que la complexité apparaît. Comment gérer tous ces flux de paiement ? Il faut nécessairement un acteur capable de gérer et orchestrer ces flux pour et vers tous les opérateurs et les vendeurs de la chaîne de vente. Le CEO de Limonetik surenchérit « il y a 10 ans, les moyens de paiement alternatifs étaient vus comme des moyens de paiement ‘exotiques’. On prédisait l’arrivée d’un seul acteur qui allait tout unifier. Au contraire, aujourd’hui, la réalité est composée d’une variété et d’une complexité amplifiées. ».
La coopération entre les FinTech et les acteurs historiques peut-être riche en succès. A l’occasion de ce Payment et FinTech club Natixis Payments et Limonetik en ont profité pour revenir sur le déploiement de QR codes dans tous les aéroports français et italiens. Il est désormais possible de payer avec Alipay et WeChat dans tous les aéroports grâce au partenariat de ces deux acteurs ! Ce projet porté en seulement six semaines permet de souligner la pertinence de « l’alliance de la force de déploiement et la rigueur des grands groupes avec l’agilité des FinTechs ».
Finalement, le crédo de l’écosystème du paiement tend de plus en plus à travailler en partenariat, avec des prestataires, dans le domaine de l’offre, afin d’avoir un ensemble cohérent et complet.