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« Quand Marine Le Pen discoure » – Par Florian Silnicki, LaFrenchCom

Ces dernières années ont vu de nombreuses références et allusions à la droite la plus extrémiste de notre pays, présents dans les discours de Jean Marie Le Pen, disparaitre des discours de Marine Le Pen comme pour mieux s’en démarquer et illustrer sa capacité à incarner une mutation : celle d’un renouveau de l’extrême droite en France. Jusque-là, Marine Le Pen semblait avoir compris le pouvoir des mots. Pourtant, le 1er mai tend à démontrer le contraire.

La communication politique connaissait l’emprunt lexical ou le déguisement comme stratégie de séduction des électeurs. C’était le jeu de la compétition électorale. On empruntait jusqu’alors une référence culturelle ou un champ lexical pour mieux démontrer sa capacité de rassemblement. Pour parler à un électorat qui n’était pas le sien, on utilisait les mots de ces électeurs, plus prompts à vous entendre dés lors qu’ils vous comprennent.

Nicolas Sarkozy, candidat de la droite républicaine avait déjà, en 2007, largement emprunté les références de la gauche pour tenter de mieux incarner une rupture dans les clivages traditionnels et séduire au-delà de son électoral naturel. Il en avait fait un atout stratégique, rationalisé et systématisé, privant sa concurrente Ségolène Royal d’autant de références historiques ainsi grignotées.

Les meetings qui se sont tenus ce lundi 1er mai par Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont d’ailleurs confirmé cette règle. Chacun avait déjà lancé, dés l’annonce des résultats du 1er tour, une véritable OPA sur le vocabulaire de l’autre comme pour mieux montrer qu’aucun n’en n’était propriétaire. Ce vocabulaire permettait à chacun des candidats de se parer des habits de l’autre. Que l’un des deux candidats aille jusqu’à franchir le pas du copier-coller n’est pas anodin. Il dit beaucoup de l’état de notre communication politique qui ignore l’état de l’opinion publique particulièrement fragilisée ces dernières années.

Cette séquence de l’élection présidentielle française n’est évidemment pas sans rappeler celle de l’élection présidentielle américaine quand Melania Trump copia mot pour mot un discours de Michelle Obama.

Si la bataille des mots est importante c’est d’abord et avant tout parce qu’elle renvoi à une idéologie, à un ancrage, à une histoire, à une famille politique, à des valeurs et à un projet de société qu’ils construisent. Mépriser l’importance des mots, c’est tenter d’occulter la réalité de ce à quoi ils renvoient : des idées.

C’est le mal de la période actuelle. La communication politique a été lissée par les équipes de communicants des candidats au point de faire disparaitre toutes les lignes. La communication a pris le pas sur la politique. Plus de droite. Plus de gauche.

La langue de bois avait déjà largement contribué à faire disparaitre l’attention avec laquelle les Français écoutaient leurs hommes et leurs femmes politiques. Aller jusqu’à prononcer un discours dont des passages sont mot pour mot ceux prononcés par François Fillon quelques jours plus tôt est une faute lourde de communication. Elle ne fera qu’alimenter dans l’opinion le sentiment que ces acteurs politiques sont interchangeables et ne valent pas mieux les uns que les autres. C’est un danger démocratique. C’est aussi une incohérence stratégique. Comment Marine Le Pen peut-elle utiliser les mots d’un candidat dont elle a dénoncé l’appartenance à un « système » sans immédiatement incarner elle-même ce système ?

Cette stratégie revendiquée par Marine Le Pen révèle qu’elle pense sans doute que les mots n’avaient aucun sens. Or, les mots disent beaucoup du projet porté pour notre société. Les mots sont une composante essentielle de la stratégie et de la tactique dans la conquête électorale. S’en affranchir c’est renoncer à influencer les électeurs. C’est surtout renoncer à se construire en tant que personnage politique sur un échiquier institutionnel.

Pire, s’inspirer du perdant du 1er tour de l’élection présidentielle, n’est-ce pas là la marque du dépôt des armes dans ce combat qui n’est pas terminé ?

Sauf si … la stratégie de communication politique de Marine Le Pen était fondée sur le fait que chacun commenterait ce plagiat afin de séduire les électeurs de François Fillon et faire savoir qu’elle pensait comme lui. Ce serait là, sans doute, déconsidérer les électeurs et sous estimer leurs facultés de discernement.

Au fond, la stratégie n’est aussi peut-être rien d’autre que « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi! » et c’est sans doute le pire… La guerre des mots en période électoral ne peut pas tout justifier. La stratégie de normalisation ne devait pas mener à celle du travestissement, faute de nuire à tout l’échiquier politique et donc à la démocratie.

Morgane
Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.

Written by Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.