Au cours des derniers mois, les fuites de données massives ou les scandales liés aux abus des grandes sociétés technologiques se sont multipliés, à l’image de cette révélation concernant Facebook et l’accès privilégié de certaines entreprises comme Netflix et Spotify aux données personnelles des utilisateurs[1]. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que 60% des internautes français perçoivent la confidentialité absolue comme une chimère à l’ère du tout-numérique. Résignés, 34% seraient prêts à accorder à un inconnu l’accès sans limite à leurs données personnelles contre de l’argent. C’est ce que révèle une étude sur la confidentialité menée par Kaspersky auprès de 11 887 consommateurs dans 21 pays.
Il en ressort qu’en matière de confidentialité et de protection de leurs données personnelles, les Français vont de paradoxe en paradoxe.
Espionnage et permissions : qui a peur du grand méchant loup ?
62% des Français se déclarent très ou relativement inquiets par la collecte des informations utilisateurs faite par les éditeurs d’applications mobiles. Cette inquiétude se traduit par une attention particulière portée aux permissions : plus de 73% des répondants contrôlent les autorisations (74% pour les utilisateurs Android et 73% pour les utilisateurs d’iPhone et d’iPad).
L’opacité de la collecte d’information sur le Web est aujourd’hui source d’une perte de confiance, qui se concentre en particulier contre les entreprises qui opèrent les grands réseaux sociaux actuelles. Lorsqu’on leur demande avec qui ils ont le plus peur de partager leurs données, les Français placent les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.) en 3ème position, derrière les cybercriminels et Internet en général. Ils sont suivis par les grandes entreprises technologiques (Google, Microsoft, Apple, etc.).
C’est pourquoi il est surprenant de noter que 67% des sondés disent se moquer de partager leurs activités sur les réseaux sociaux avec quiconque.
Données personnelles : rien à cacher, rien à craindre ?
38% des Français accepteraient de partager leur historique de recherche avec un tiers et autant partageraient leurs achats. Viennent ensuite l’historique de navigation (30%) et les informations liées à l’identité (27%). Seules les données financières se distinguent (7%).
Pourtant, seuls 7% des Français reconnaissent ne pas s’inquiéter pour la protection de leur vie privée, en ou hors ligne et 85% souhaiteraient en savoir plus sur la manière dont ils peuvent protéger leur vie privée sur le Web.
Dans les faits, l’application des bonnes pratiques est très variable. En ce qui concerne la protection des équipements, 59% des Français protègent tous leurs appareils avec un mot de passe, 43% utilisent des logiciels de nettoyage (type CCleaner), 27% vérifient systématiquement les paramètres de confidentialité et 24% couvrent leur webcam (contre 62% à l’international).
Exception française concernant le téléchargement de logiciels ou d’applications piratés : 62% des répondants n’y renoncent pas malgré les risques, contre 52% à l’international.
En matière de protection des comptes en ligne, les résultats sont tout aussi mitigés. 56% des sondés français essaient de toujours utiliser des mots de passe complexes mais seuls 38% changent régulièrement de mot de passe. Ils sont 27% à utiliser une adresse email dédiée plutôt que leur adresse email principale pour s’inscrire à des services considérés comme non prioritaires.
Les raisons qui peuvent expliquer ces disparités sont multiples, mais la résignation et l’ignorance jouent sans aucun doute un rôle majeur. 60% des Français pensent qu’il est impossible de profiter d’une confidentialité absolue et 35% reconnaissent ne pas savoir comment protéger complètement leur vie privée.
Navigation Internet : vous reprendrez bien un cookie ?
En avril 2019, la 3ème édition du baromètre DIMENSION[2] de Kantar Media témoignait d’un rejet massif de la publicité ciblée en France : 61% des consommateurs refusent d’être suivis à la trace sur la base de leurs précédentes navigations (vs 54% au niveau global).
Ce rejet se traduit-il par une adoption massive des bonnes pratiques liées à l’usage des cookies ? Pas forcément, selon l’étude de Kaspersky. Seuls 42% des Français nettoient régulièrement leur historique de navigation. Ils sont encore moins nombreux (16%) à utiliser des outils logiciels ou modules de navigateurs dédiés pour bloquer le pistage. Au total, ce sont 21,5% des français qui admettent ne jamais effacer leurs traces sur Internet. C’est très loin de nos voisins allemands, champions européens de la confidentialité : 57% nettoient régulièrement leur historique et 25% utilisent des outils adaptés.
Les modes de navigation privée n’ont pas vraiment la cote et il semble que des efforts de sensibilisation restent nécessaires pour accélérer leur adoption : 16% seulement des Français les utilisent, contre 24% à l’international.
Cybersécurité : qui a laissé la porte ouverte ?
17% des Français reconnaissent avoir dû faire face à une compromission de leurs données personnelles. Le plus souvent, il s’agit d’un accès non autorisé à un compte en ligne (41%) ou à un appareil (28%). Dans 18% des cas, les victimes se sont fait voler leurs données et ces dernières ont ensuite été exploitées.
Ces fuites de données n’ont pas toujours des conséquences dramatiques mais elles peuvent également influer sur le moral des consommateurs. 34% des victimes rapportent avoir été stressées. En outre, elles peuvent 17% ont observé une augmentation du nombre de spams reçus et 17% ont perdu de l’argent.
Bertrand Trastour, Head of B2B sales France chez Kaspersky : “Pas besoin d’être un expert informatique pour comprendre comment les données peuvent être détournées et exploitées contre les consommateurs. Les exemples ne manquent pas. On se souvient par exemple de la fuite de données du Marriott[3] en 2018 qui a touché plus de 500 millions de clients dont certains ont ensuite été les victims de fraudes. Ou encore le cas plus personnel d’un musicien[4] dont la petite-amie a utilisé le compte email pour refuser une bourse d’étude qui l’aurait obligé à déménager. Cela semble parfois difficile à croire mais la protection de la vie privée est encore possible sur Internet, à condition d’avoir une bonne hygiène numérique et d’appliquer quelques bonnes pratiques.”