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En quoi une fermeture des frontières après le Brexit serait néfaste pour les start-ups ? par Marta Krupinska, Directrice Générale et cofondatrice d’Azimo

Entre 1995 et 2015, le nombre d’expatriés européens en Grande-Bretagne a plus que triplé, passant de 900 000 à 3,3 millions, soit plus de 5 % de la population du pays.

Cependant, il est tout aussi incontestable que cet afflux d’immigrants a contribué à la prospérité de l’économie britannique.

Selon des estimations récentes, si chaque immigré cessait le travail pendant une journée, il en coûterait 328 M£ (379M€) au Royaume-Uni, soit 4 % de son PIB. Et il n’est pas seulement question de salariés : les entreprises fondées par des expatriés ont à leur actif la création de 14 % de l’ensemble des emplois dans les PME.

L’immigration fait partie intégrante de la société britannique, aussi bien parmi les serveurs, les médecins, les enseignants ou les aides à domicile que chez les dirigeants de start-ups.

Or aujourd’hui, comme le montrent les récents chiffres publiés par l’Office britannique des statistiques nationales, la situation est en train de changer. L’immigration nette au Royaume-Uni s’est établie à 273 000 sur les neuf premiers mois de l’année, en fort recul de près de 50 000 par rapport à l’année précédente.

Ces derniers résultats ne sont guère surprenants. La campagne autour du Brexit a donné lieu à de nombreux discours anti-immigration et cette baisse des arrivants n’en est que la première conséquence.

Selon moi, une immigration saine est la clé de l’innovation dans des secteurs vitaux, à l’image des nouvelles technologies. De fait, je suis moi-même un immigrante polonais, cofondateur de l’une des plus importantes start-ups Fintech.

Empiriquement, il ressort de mes échanges avec d’autres entrepreneurs polonais une hésitation très claire à s’implanter outre-Manche à la suite du référendum. Nous devons nous attacher à accueillir et encourager les talents, pour le bien des entreprises et, en définitive, du pays dans son ensemble.

Si au recul de l’immigration vient s’ajouter le déficit de compétences techniques dont souffre déjà le Royaume-Uni, il est manifeste que le pays est confronté à une grave pénurie de talents, qui pourrait être extrêmement préjudiciable à la bonne santé de l’économie britannique.

En outre, on estime que les expatriés de l’UE rapportent chaque année en moyenne 2 Mrd£ (2.3 Mrd€) à la Grande-Bretagne, tandis que l’enquête intitulée Better Than That* révèle que seuls 2 % des expatriés interrogés bénéficient de prestations sociales. Les immigrés contribuent donc à la force de l’économie britannique, bien loin de la saigner comme beaucoup le pensent. J’estime pour ma part que la diversité est bénéfique à l’entreprise, c’est pourquoi 77% du personnel de ma start-up travaillant à Londres est de nationalité autre que britannique.

Sans l’immigration, le Royaume-Uni ne serait pas le centre d’affaires prospère et viable qu’il est aujourd’hui. Le vote en faveur du Brexit a déjà un effet négatif sur l’état d’esprit des expatriés et remet en question la volonté d’autres étrangers de venir s’installer dans le pays. Ayant élu domicile à Londres et choisi d’y implanter ma start-up, j’espère sincèrement que nous pourrons conserver à la ville son rang de capitale des Fintech en Europe, sachant que l’accès à des talents étrangers et au marché unique sera appelé à jouer un rôle déterminant à cet égard.

Nous souhaitons donc ardemment que toute nouvelle réglementation de l’immigration ne rende pas beaucoup plus difficile l’emploi de travailleurs étrangers. Le Royaume-Uni parviendra peut-être à un accord autorisant toujours la libre circulation des personnes mais il est tout aussi possible que les citoyens de l’UE aient besoin de visas au même titre que les ressortissants non-européens.

Dans la seconde éventualité, les starts-ups devront s’en accommoder. Je serais néanmoins très inquiète pour celles qui ont besoin des meilleures compétences numériques mais qui ne disposent ni du temps ni des ressources financières nécessaires pour faire face à la bureaucratie liée à l’obtention de visas. Le succès dépend en définitive de la capacité à attirer les meilleurs talents, où qu’ils se trouvent.

*Better Than That est une enquête conduite en 2016 auprès des migrants et des populations locales au Royaume-Uni ayant mis en évidence la contradiction entre la perception des migrants et la réalité de leur situation. Elle aborde des questions comme l’emploi, l’éducation, la criminalité et la revendication de prestations.

Morgane
Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.

Written by Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.