A ceux qui me répètent qu’on « doit travailler moins »
Alors que les créations d’entreprises ont continué de reculer en août, je salue la proposition de François Fillon de supprimer la référence aux 35 heures. Parce que je n’en peux plus d’entendre certains me dire que « 35 heures c’est déjà trop ». Entrepreneur, j’ai souhaité rédiger cette petite lettre comme un petit manuel à l’usage de ceux qui pensent qu’on travaille trop.
Je vous le dis, travailler 32 heures est une absurdité déconnectée des réalités du terrain économique. D’abord la durée effective annuelle moyenne de travail des salariés à temps plein est en France la plus faible de l’Union européenne, hors Finlande. C’est aussi en France, selon les calculs d’Eurostat, que cette durée a le plus baissé ces quinze dernières années.
Comment ne pas comprendre que pour relancer l’économie en France, il faut travailler plus ?
Qui peut croire qu’aujourd’hui l’organisation du travail peut être uniforme sur tout le territoire ? Je suis favorable à ce que la loi laisse chaque entrepreneur mener les négociations utiles dans son entreprise afin de déterminer le temps de travail. Entrepreneur, je sais qu’il faut faire confiance aux partenaires sociaux afin que nous déterminions ensemble la durée optimum par entreprise.
Qui peut dire que les 35 heures n’ont pas profondément désorganisé et abîmé notre hôpital ou notre police ? Les 35 heures sont aujourd’hui une calamité pour la fonction publique.
Enfin, pour tous, je souhaite que soit rétablie l’exonération de toutes les heures supplémentaires, sur la base de la durée du travail qui sera définie dans le cadre de la négociation de chaque entreprise.
Le gouvernement doit sans délai libérer nos entreprises du boulet des 35 heures.
Comment accepter l’hypocrisie qui consiste à réduire le temps de travail d’un côté, et à proposer des allègements de charges correspondant à cette réduction du temps de travail ?
C’est comme si le médecin rendait encore un peu plus malade un patient pour mieux avoir à le soigner ensuite. C’est tout simplement une honte. Annoncer une mesure que l’on sait nuisible pour notre compétitivité pour ensuite prendre des mesures pour en amoindrir les effets.
Entrepreneur, je n’accepte pas la fatalité qui consiste à constater que l’économie de notre pays décroche faute des réformes structurelles qui s’imposent. Ainsi au 1er trimestre 2015, dans l’ensemble de l’industrie et des services marchands, le coût horaire de la main-d’œuvre pour l’ensemble de la zone euro est estimé à 29.8 euros.
Pour la France, ce même coût de l’heure de travail ressort à 36.1 euros, en hausse de 1.7% sur un an. Ce même coût se situe à 33.7 euros pour l’Allemagne. Voilà une réalité cruelle pour ceux qui aiment tant se comparer avec notre voisin allemand.
Cela se ressent directement sur le terrain. Ainsi différentes entreprises ont été contraintes de proposer une augmentation de 120 euros brut pour quatre heures de travail supplémentaires par semaine à leurs salariés pour relancer la compétitivité de leurs sites. Nombreux sont par ailleurs les entrepreneurs qui ont obtenu de leurs syndicats le gel d’une partie des jours de RTT pour compenser les effets dévastateurs des 35 heures sur leur entreprise. Le concept d’une durée légale qui serait la même pour tout le monde et tout le temps est obsolète et manifestement nuisible.
Comment accepter que seulement entre 2002 et 2005, les 35 heures se sont traduites par une hausse de 17% du SMIC horaire brut. Non seulement, les 35 heures ont coûté cher mais elles ont en plus paralysé l’appareil productif français en empêchant nos entreprises de s’adapter aux contraintes de la nouvelle compétition économique
mondiale.
Enfin, aux plus sceptiques qui me disent que « oui cela a coûté cher mais c’était une bonne intention: celle de faire baisser le chômage« , je veux leur poser une question simple : pour quel résultat ? Selon l’Insee, il n’y a jamais eu autant de chômeurs dans notre pays !
Enfin, je dis à tous qu’il est préférable d’allonger le temps de travail pour baisser le coût du travail plutôt que de subir une nouvelle hausse des impôts via la CSG ou la TVA.
Ce sont plus de 30 rapports publiés depuis 2000 qui démontrent que notre compétitivité s’est dégradée à partir de l’adoption des 35 heures. Alors, c’est vrai, les 35 heures ne sont qu’un boulet. Notre économie en traîne d’autre. Il faut bien commencer quel que part; je propose que ce soit par la suppression des 35 heures.
Les 35 heures handicapent notre économie. Le développement des nouvelles formes d’emploi comme le portage salarial en sont une preuve. J’en sais quelque chose. A la tête du groupe Umalis, je vois quotidiennement les entreprises se tourner vers mon entreprise pour lutter contre les rigidités et les coûts directs et indirects qu’ont fait naître les 35 heures. Le portage salarial étant l’un des moyens efficaces d’assouplir ce rigide carcan.
Aux thuriféraires des 35 heures, je veux leur conseiller de regarder objectivement la théorie économique qui nous démontre que pour produire plus, à productivité constante, la France doit travailler plus. Ainsi, en travaillant moins, la France a créée moins de richesse, moins d’emplois et moins de croissance. Est-ce cette mécanique économique qu’ils veulent laisser en héritage à la génération de nos enfants ?
Je regrette que les 35 heures ne soient trop souvent encore qu’un sujet d’affrontement partisan et idéologique. Si les 35 heures étaient efficaces, en chef d’entreprise rationnel, je m’en féliciterais et les soutiendrais. Ce n’est malheureusement pas le cas. En ajoutant à ce handicap économique, une instabilité législative et fiscale et un Code du travail que personne ne peut désormais connaitre tellement il est lourd et complexe, on comprend le déclassement de l’économie française.
Enfin, comment accepter que les ministres et leurs conseillers considèrent qu’il est bon que les Français ne travaillent que 35 heures, se privant là d’ailleurs des moyens qui leur permettraient de profiter de leur temps libre, tout en considérant dans le même temps qu’il est normal que ces 35 heures ne s’appliquent pas à eux. Il y a
là comme une hypocrisie qui m’apparaît insupportable.