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COVID-19 – Les factures impayées : Les bons comptes font les bonnes relations clients-fournisseurs ! – Par Romaric Servajean-Hilst

Par Romaric Servajean-Hilst, Professeur de stratégie et management des Achats et de l’Innovation collaborative, directeur académique du MAI Executive Education, KEDGE

La crise du Covid-19 révèle le meilleur comme le pire chez les hommes, et la relation client-fournisseur en cette période ne fait pas exception. Romaric Servajean-Hilst sensibilise les managers sur le rapport de force qu’ils exercent sur leurs fournisseurs en retardant les paiements. Une attitude qu’ils risquent de payer cher, une fois l’activité repartie.

En France, dès les premières semaines de confinement les relations client-fournisseur ont connu deux types de scenarii.

La solidarité versus l’individualité 

Spontanément, certaines entreprises ont payé comptant leurs fournisseurs. D’autres, notamment de grandes sociétés, ont répondu positivement à l’appel du Médiateur des entreprises pour une solidarité économique. Les secteurs traditionnellement peu habitués à des relations d’affaires apaisées, comme dans la grande distribution ou les telecoms, ont suivi cette initiative pour soutenir leurs fournisseurs, et pas uniquement les plus fragiles.

A l’inverse, les attitudes de certaines compagnies vis-à-vis de leurs fournisseurs se sont révélées encore plus violentes qu’à l’accoutumée : suspension de paiements sur des produits ou services livrés avant le confinement, application de pénalités de retard sur des matières premières non livrées du fait du non-approvisionnement en provenance de Chine (en refusant systématiquement d’appliquer les clauses de force majeure), rupture brutale de contrats…

Les conséquences de retard, voire de non-paiement

Signe de la progression des mauvais comportements, les demandes d’aide auprès de la médiation des relations entreprises au ministère de l’économie ont explosé. A la suite de la première semaine de confinement, le service avait enregistré l’équivalent d’un mois et de demi de saisine, dont 60% pour des incidents ou retards de paiement. Ce chiffre a quintuplé, après cinq semaines de confinement. Au lieu des 60 demandes d’arrangement à l’amiable par semaine, il en comptabilise désormais plus de 600.

Terra Nova évaluait qu’en 2018, 57% des factures en France étaient payées avec du retard. Cela équivaut fin 2019 pour la Banque de France à 12 000 pertes d’emplois pour les chefs d’entreprises et 50 000 pour les salariés. De plus, ces retards augmentent de 25% la probabilité de défaillance des entreprises impactées, voire de 40 % quand ils dépassent un mois. Mais pour un client ne pas régler une facture en temps et en heure impacte aussi la qualité de la relation d’affaires, l’engagement du fournisseur et par ricochet la qualité, le coût et les délais des produits/services fournis.

Pour lutter contre les mauvais payeurs, le « name and shame » est désormais entré dans le code du commerce. En outre, Bercy et la médiation des entreprises ne s’y sont pas trompés et commencent à mettre en valeur les clients solidaires – en publiant leurs noms. Et ce sont parfois également les mêmes entreprises qui ont décidé de ne pas mettre leurs salariés au chômage partiel pour constituer des réserves de trésorerie.

Et si c’était l’occasion de repenser ses processus ?

Pour la plupart des entreprises, les grandes urgences du début de crise ont été traitées. Les plans de reprise d’activité sont bien avancés, voire commencent à être mis en œuvre. Le temps gagné sur les transports et les réunions évitées peut être utilisé à préparer l’après-reprise.

Ne serait-ce pas l’occasion de revoir les processus internes de gestion des commandes, de gestion des factures et du paiement de ses fournisseurs ? D’après l’Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement augmentent avec la taille de l’entreprise cliente. Plus les entreprises sont grandes, plus les processus sont lourds. Le temps du confinement peut être mis à profit pour identifier les lenteurs, voire les obstacles internes à des règlements en temps et en heure. Cela représentera à termes une forte diminution des coûts administratifs pour tous, clients comme fournisseurs, une suppression des tensions liées au recouvrement des factures, mais aussi une mise en conformité avec la loi.

Enfin, l’impact d’une crise sur la performance d’une relation client-fournisseur peut se révéler positif quand celle-ci est traversée ensemble. La solidarité se traduit non seulement en termes de solidité économique mais aussi d’engagement auprès de ses fournisseurs.

Le temps du confinement offre aux managers le temps de se demander : quand la crise sera terminée et que la reprise sera venue, vers qui se tourneront d’abord mes fournisseurs ? Qui en obtiendra les meilleurs produits, les meilleurs services…et les meilleurs prix ?

Morgane
Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.

Written by Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.