A l’instar de la finance d’entreprise, le contrôle de gestion peut profiter pleinement de la digitalisation de ses processus en s’engageant activement dans la refonte de ses méthodes. Avec, à la clé, une nette revalorisation de ses nombreux et différents rôles.
Par Henri-François Chadeisson, Manager, Sales Engineering pour l’Europe du Nord chez MicroStrategy France
Le contrôle de gestion : entre vision du métier et réalité
Fonction stratégique en entreprise, le contrôle de gestion est le support indispensable d’un pilotage solide. Analyse chiffrée et de terrain, optimisation de la trésorerie, de l’exploitation, conseil à la direction et aux opérationnels, gestion des budgets… la variété des missions dont le contrôleur de gestion est responsable laisse entrevoir l’étendue potentielle, latente, de l’influence du métier au sein de la structure.
De ce fait, l’on attend généralement du contrôleur de gestion qu’il témoigne d’une excellente culture business et d’une connaissance fine de l’organisation de l’entreprise, lesquelles conditionnent évidemment la capacité du contrôleur à diagnostiquer les besoins et l’état des ressources. Savoir correctement percevoir la place de l’entreprise sur son marché et distinguer les pistes d’optimisation vis-à-vis de la concurrence reste aussi une compétence recherchée.
Ce sera au demeurant, certainement en priorité, une capacité de synthèse que l’on demandera au contrôleur d’exercer, ceci afin de mettre en place les fameux outils de communication et de décision que sont les tableaux de bord et de performance.
Au point, il faut bien se l’avouer, que dans les plus grandes entreprises et les groupes les plus importants, les contrôleurs de gestion peuvent occuper jusqu’à 25% de leur temps de travail à créer des présentations en vue de présenter et d’expliquer les chiffres à des destinataires toujours plus nombreux. Le quart du temps de travail à compiler les résultats, à les présenter de manière lisible et compréhensible, à leur adjoindre les commentaires utiles, ce n’est pas une caricature, c’est une réalité quotidienne. Et c’est autant de temps que l’on ne consacre pas au conseil, à l’analyse, au diagnostic et à l’optimisation. C’est une problématique systémique.
Sempiternelles présentations
Ce qu’il y a de remarquable dans ces pratiques, c’est certainement la quasi invisibilité de cette problématique. Non identifiée formellement par les acteurs du contrôle de gestion, elle demeure sous-jacente. Il n’est pas rare de constater une certaine forme de résignation des métiers vis-à-vis d’un processus qui semble se nourrir de lui-même. Pour un rapport que l’on choisit de ne plus produire, combien font l’objet de nouvelles demandes ? Tel l’exercice imposé d’une compétition, la présentation mensuelle des chiffres n’a jamais été dépoussiérée.
Les méthodes usuelles comme les vieux outils ont la peau dure de l’habitude. Changer, oui, pourquoi pas, mais seulement alors dans les limites des zones de confort établies. Qui ignore encore la force du sentiment d’expertise, même sur un outil vieillissant, vis-à-vis des craintes ressenties à l’introduction de solutions que l’on ne maîtrise pas ? Mais quand le statu quo conduit à enfermer les contrôleurs de gestion dans un rôle subalterne, à brider l’imagination des métiers et à les contraindre à reproduire les mêmes schémas, il y a urgence à prendre le problème à bras le corps. Tant d’un point de vue RH qu’au titre de la compétitivité de l’entreprise.
C’est donc assez frileusement que les métiers se demandent s’il serait possible, au moins, d’automatiser une partie de la production des centaines de rapports mensuels qu’ils éditent. Puisque tout commence par la donnée, autant débuter par l’industrialisation de la collecte d’une data propre et certifiée, ce sera quoiqu’il arrive un gain de temps précieux pour les afficionados des présentations au format 16/9. Mais ne nous le cachons pas, quelle frustration au regard des possibilités de l’approche digitale.
Pragmatisme de l’approche digitale
Les contrôleurs de gestion peuvent produire plusieurs centaines de présentations par mois dans certaines entreprises, par l’effet de nouvelles demandes au fil du temps. Il n’est pas du tout certain que la totalité des rapports soit lue (c’est une litote). Une des grandes opportunités de la digitalisation est le suivi de l’activité, permettant de déterminer quel rapport est consulté, à quel rythme et quelle fréquence. De quoi arbitrer judicieusement, jusqu’au grand ménage de printemps pourquoi pas.
On objectera peut-être que les contrôleurs se trouveront privés de leurs missions. C’est défier le sens commun que de le penser et convaincre définitivement que la répétition de tâches relativement modestes paralyse la créativité. La digitalisation du métier l’accélère, le rend plus pertinent avec des analyses plus régulières et opportunes, proches du temps réel. Si l’un des rôles du contrôleur de gestion est de pourvoir à l’information, autant qu’il le fasse avec toute la réactivité attendue, en tant que ce qu’il est vraiment, un technicien expert.
Mais qu’en est-il du rôle de conseil, voire de partenaire business des contrôleurs de gestion auprès des opérationnels ? Il va de pair avec la croissance exponentielle de la donnée (en nombre et variété) et la maturité technologique de l’entreprise. Bien orchestré, le mouvement d’ensemble peut offrir de formidables réussites économiques et financières, par le biais d’analyses propres à challenger les projets des opérationnels.
La digitalisation des pratiques porte ses effets bien au-delà de la qualité d’un service. Elle modifie en profondeur un métier et peut ainsi lui rendre ses lettres de noblesse.