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Reconnaissance Faciale, DAY ONE. SKYNET, es-tu là ? Par Jean-Paul Crenn, Webcolibri

Avec le lancement du nouvel iPhone le mardi 12 septembre 2017 c’est la reconnaissance faciale qui entre au cœur de nos usages. Pour le Commerce, qu’il soit physique et/ou digital, la donne va encore évoluer, tant au niveau du paiement que de la relation client. Mais les implications de cette technologie vont bien au-delà.

Apple mène la danse des usages

Apple mène la danse de l’évolution des usages depuis le 29 juin 2007, date du lancement de son premier iPhone. Premier véritable « smartphone », l’iPhone a participé avec son application Siri à l’adoption de la reconnaissance vocale dans les usages quotidiens. Apparue le 14 octobre 2011 avec l’iPhone 4s, la reconnaissance vocale menace aujourd’hui directement l’avenir des Marques et des Distributeurs de Produits de Grande Consommation (PGC). Car lundi 21 août 2017 Microsoft a montré que son Intelligence Artificielle (IA) est capable de retranscrire un discours oral mieux qu’un être humain. La technologie est devenue mature et devient apte à reconfigurer des pans entiers de notre économie.

Avec le remplacement de l’identification via un capteur d’empreintes digitales (le « Touch ID » de l’iPhone 5s, le 20 septembre 2013) par une identification via la reconnaissance faciale (sans doute nommée « Face ID »), la marque de Cupertino va de nouveau faire entrer dans les usages une technologie qui, si elle n’est pas nouvelle, va également impacter le Commerce dans son ensemble.

Ne nous leurrons pas, la reconnaissance faciale, même si elle a fait d’énormes progrès ces 20 dernières années et même si elle suit la trajectoire de la reconnaissance vocale, n’atteint que 95% de précision et ce sont ces derniers pourcents qui sont les plus difficiles à atteindre. Ce sont eux qui rendent la technologie utilisable par tout un chacun dans des situations variées. Rappelons-nous que la reconnaissance vocale a mis 6 ans pour y arriver. Rappelez-vous les déficiences de Siri en 2011. Le « Face ID » sera certainement opérationnel mais pendant quelque temps dans un cadre d’usage bien limité.

Mais ce qui est important c’est que l’iPhone va faire de la reconnaissance faciale ce qu’il a réussi avec la reconnaissance vocale : la rendre acceptable par les consommateurs.

Déjà Samsung a présenté un Galaxy Note, il y a quelques semaines de cela, avec une fonctionnalité similaire mais moins sophistiquée. La différence pour la reconnaissance faciale vient du fait qu’Apple, en l’intégrant dans son nouvel iPhone, cautionne cette technologie et que la marque à la pomme participera activement à l’optimiser. Au vu des enjeux pour la société de Cupertino, nous pouvons lui faire confiance en la matière.

Pour bien comprendre la technologie de la reconnaissance faciale, il est important de la scinder en deux catégories : l’une concerne les capacités sous-jacentes qui rendent possible la reconnaissance faciale. Ces capacités résultent de l’alliance entre une IA et la reconnaissance de motifs (patterns). L’autre regroupe l’ensemble des applications qui utiliseront ces capacités.

Apple, Amazon, IBM, Microsoft, plusieurs sociétés Chinoises (Sense Time, Megvii…) appartiennent à la première catégorie. Elles proposent toutes la reconnaissance faciale sous forme de service dans le cloud. C’est en se basant sur ces plateformes de services que les commerçants, les banques, les sociétés de développements logiciels… pourront développer leurs applications.

La validation du paiement par la reconnaissance faciale est déjà sur les rails. Le 1er septembre dernier, Ant Financial, une filiale d’Alibaba, a déployé son système « Smile to Pay » pour la première fois dans un magasin physique. Les clients peuvent y valider leurs paiements simplement en regardant un écran. Plusieurs banques chinoises permettent déjà aux utilisateurs de leurs DAB de s’identifier avec leurs visages.

Les e-commerçants pourront, de leur côté, utiliser la reconnaissance faciale pour valider l’accès aux comptes. Dans le domaine de la distribution physique Xiaomai, une chaîne de magasins chinoise a annoncé qu’elle scannera les visages de ses clients pour en étudier le comportement.

Si les entreprises occidentales sont en retard par rapport aux chinoises au niveau des applications liées à la reconnaissance faciale, c’est tout simplement parce que ces dernières bénéficient des « avantages » liés à un Etat policier totalitaire et à une législation permissive quant aux données personnelles dans le cadre du territoire. Tous les Chinois ont en effet obligation de fournir une photo d’identité à l’Etat pour leurs 16 ans. Ainsi, c’est une base de 700 M d’individus qui est mis à disposition des entreprises par l’Empire du Milieu.

En Occident, les casinos utilisent depuis longtemps un système de reconnaissance faciale basique pour reconnaître certains parieurs mais ce sont les GAFA qui sont à la pointe de leur utilisation. Cependant elles ne le font que timidement, de crainte de réactions négatives de la part des utilisateurs. Facebook pour nous permettre de reconnaître les photos de nos amis, Google pour regrouper nos images. Amazon, de son côté vient de lancer, en avril 2017 son nouveau haut-parleur intelligent, Echo Look, cette fois ci équipé d’une caméra et donc vraisemblablement prêt à reconnaître les visages.

La reconnaissance faciale va aussi permettre d’accroître les ventes. Les caméras vidéos pourraient, par exemple, reconnaître dans les magasins les clients fidèles ou VIP pour qu’un service premium leur soit proposé. Elles pourraient également détecter de l’insatisfaction sur les visages. Selon plusieurs sources, Walmart, le 1er distributeur au monde, travaille sur des systèmes de reconnaissance faciale pour améliorer le service pour ses clients.

Des baisses de marge annoncées pour les services bancaires et les distributeurs

Ainsi la reconnaissance faciale a déjà commencé à impacter les modes de paiement, ce qui va challenger les positions des Prestataires de Services de Paiement (PSP) en place et faire baisser leurs marges via l’utilisation de services de reconnaissance faciale de tiers, dans le cloud, tels que décrits précédemment. Elle va également représenter une superbe opportunité pour faire disparaître les caisses dans les magasins, les attentes de confirmation de 3D secure pour les paiements en ligne, bref c’est un superbe gisement pour améliorer l’ensemble de l’expérience client, que ce soit en ligne ou en environnement physique. Là aussi le jeu est ouvert pour les distributeurs online et offline mais il faudra vraisemblablement passer sous les fourches caudines des fournisseurs de plateformes de reconnaissance faciale dans le cloud, aux mains, aujourd’hui, des GAFA. Ce qui est une source potentielle de baisse de marge pour l’ensemble du secteur d’activité.

Car PSP et commerçants ne pourront refuser l’utilisation de la reconnaissance faciale : elle deviendra, sous quelques années, une « commodité » (commodity), c’est-à-dire une évidence. Apple et l’ensemble des GAFA, avec leurs milliards de dollars de cash et une expérience utilisateur fluidifiée, nous la ferons désirer plus qu’ils ne nous l’imposeront.

Pourtant, il faut nous rappeler, avant qu’il ne soit trop tard, que nos visages seraient les miroirs de nos âmes. La reconnaissance faciale pose, bien sûr, maintes questions quant au respect de nos vies privées et de nos libertés dans nos contrées démocratiques. Cependant des études récentes doivent nous alerter sur le fait que cette technologie, en s’appuyant sur le Big Data et à l’IA peut aller bien au-delà. Michal Kosinski et Yilun Wang, des chercheurs de l’Université de Stanford, viennent de montrer que la reconnaissance faciale peut permettre de détecter l’orientation sexuelle, déterminer un QI ou bien connaître les opinions. D’autres chercheurs viennent, quant à eux, de créer l’image du visage de personnes à partir des données de leur génome!

La Donnée est clairement le pétrole du XXIème siècle mais, tout comme pour le combustible, si son usage nous facilite la vie, ses effets collatéraux peuvent être redoutables.

Skynet, es-tu là ?

 

Par Jean-Paul Crenn, fondateur de Webcolibri, cabinet conseil en e-commerce et transformation digitale VUCA Strategy

Morgane
Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.

Written by Morgane Palomo

Diplômée d'un master un brand management marketing, sa curiosité et sa soif de savoir ne sont étanchées. De nature créative, elle a su diversifier ses expériences. De la création graphique, à l'événementiel en passant par la communication interne et le marketing digital, elle s’est construit un savoir pluriel et avant tout polyvalent.