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Le vrai (faux) procès du RGPD « bienvenue au progrès » organisé par l’ACSEL | par Valentine Levacque pour DOCaufutur

Le RGPD a fêté son premier anniversaire ! Un an déjà que le Règlement Général pour la Protection des Données jouit d’une couverture médiatique sans précédent. On pensait avoir fait le tour de ce texte européen, et pourtant ! Pour fêter la mise en pratique du RGPD, l’ACSEL a eu la bonne idée d’organiser le « vrai (faux) procès du RGPD ». Une manière ludique, pédagogique et originale de peser le pour et le contre de ce texte polémique.

Une mise en scène réussie pour parler du RGPD

L’organisation de ce procès avait lieu dans le cadre de la commission juridique de l’association; l’une des six commissions de l’ACSEL. Comme le rappel notre maître de cérémonie – ou plutôt notre greffier du jour, Nicolas Herbreteau, « nous sommes dans l’après RGPD, dans la mise en application ».

Ainsi la séance peut commencer. Chacun des intervenants de la matinée a un rôle bien précis. Juge, témoin et avocat de la défense, témoin et avocat de l’accusation, procureur. Le RGPD sera-t-il acquitté ou condamné ?

« Nous sommes témoins d’une prise de conscience inédite. Celle de l’importance de la protection des données, en France comme à l’étranger. Les quelques scandales très médiatisés des dernières années nous ont montré un monde de plus en plus technologique nécessitant plus de contrôle. » introduit le juge Jean-Jacques Gomez, président de la séance. La mise en œuvre pratique du RGPD s’inscrit-elle dans une vraie politique de protection ou bien permet-elle à beaucoup d’en donner l’illusion ?

La parole est à la défense

Le RGPD : un atout pour le droit…

Le premier témoin de la défense n’est autre que le directeur éthique et affaires juridiques de Qwant, Guillaume Champeau. « 95% du marché de la recherche en Europe est dominé par Google, au mépris de toutes les règles de protection ! Le RGPD est sans conteste un atout. C’est un texte qui dit aux acteurs dominants que maintenant, il faut protéger les données. Les sanctions en témoignent. »

En effet, les entreprises risquent désormais une amende allant jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaires. Maître Julie Rodrigue, avocate au barreau de Paris rappelle d’ailleurs le sérieux du sujet. « Le RGPD est né dans un contexte de crises et de scandales. Cambridge Analytica, Grindr, WhatsApp ; autant d’affaires qui ont violé les droits des uns et des autres. Il nous fallait un droit spécifique pour répondre à ces problèmes : le RGPD est une très bonne chose. »

… et pour les entreprises

Les données personnelles sont à la fois un enjeu, un marché et un objet de convoitise. En aucun cas le RGPD ne doit être un obstacle au progrès scientifique. L’enjeu du RGPD est de sensibiliser à l’identité numérique, d’encadrer la donnée, le moteur de la révolution industrielle 3.0. « Il n’existe aucun autre texte pour assurer le progrès ! » assure l’avocate de la défense.

D’ailleurs, la mise en pratique du RGPD permet d’entreprendre une démarche de sensibilisation de protection des données au sein des entreprises. La notion de donnée personnelle est prise dans toute sa définition et ce règlement répond à la nécessité d’uniformiser le droit en imposant des obligations et des sanctions dissuasives. Maître Rodrigue conclu sa plaidoirie en affirmant que « le RGPD est un texte efficace et nécessaire qui assure la protection des droits de tous »

« Objection votre honneur ! »

Le RGPD : un problème d’équilibre…

Pourtant le RGPD ne fait toujours pas l’unanimité. « Quand on m’a demandé d’être le témoin de l’accusation, je n’ai pas eu à réfléchir longtemps pour accepter ! » entame Dany Cohen, avocat à la cour d’appel de Paris et professeur à SciencesPo. « On nous a dit que l’Europe nous protégerait. Que c’était une petite révolution qui se jouait. Pour moi, ça a bien été la confirmation que j’étais presbyte ! Je n’ai pas vu cette révolution. Tout ça c’est dans Bambi. »

Pour le témoin de l’accusation, le problème du RGPD porte bien sur l’efficacité prétendue de toutes ses règles. « Le RGPD est une masse d’obligations à la façon de l’ancien régime : l’injustice est égale pour tous ! » dénonce l’accusation. D’ailleurs, l’avocat de l’accusation, Maître Eric Barbry, avocat dans le domaine de l’IT et de la data, insiste également sur ce point. « Nous ne sommes pas tous des Facebook, nous sommes aussi un ensemble de PME confrontées à un texte injuste ». Le RGPD ne serait pas compatible avec le tissu économique français, composé à 99,8% de PME et TPE ; incapables d’appliquer le RGPD par manque de compétence, de temps et de moyens.

… et un lot de contrariétés pour les entreprises

De plus, l’accusation pointe du doigt la difficulté de compréhension de ce règlement aux 99 articles. « Un règlement est là pour régler de manière définitive. Or on trouve 57 renvois aux règles nationales sur les 99 articles du texte ! Ce n’est pas du tout un texte qui harmonise les pratiques en Europe comme on le prétend ; il y a bien trop de marges de distinction entre les pays de l’UE » constate Eric Barbry. De même, le RGPD poserait plus de questions qu’il n’y répondrait.

« Je ne suis pas contre le droit de la protection des données » assure Maître Barbry « mais je suis contre ce texte. Le RGPD est un permis de chasse. Personne ne pourra jamais empêcher son collaborateur de faire son tableau Excel dans son coin. De même, dire que c’est un outil au service de l’innovation technologique est une vue de l’esprit ! Comment devrait-on conjuguer la minimisation des données et le big data ? »

Pour l’accusation en effet le RGPD tuerait l’économie.

Un verdict sans appel

Outre son côté décalé, l’originalité de cet événement organisé par l’ACSEL est l’interaction avec le public. Les spectateurs se sont transformés en jurés et ont été invités à voter : pour ou contre le RGPD. Mais juste avant le vote décisif, la parole a été au président. Jean-Jacques Gomez, en toute neutralité, rappelle que le RGPD n’est peut-être pas idéal mais qu’il représente une approche nouvelle. Le RGPD est un texte qui a le mérite d’avoir réuni autour d’une table autant de pays avec autant de pratiques et d’objectifs économiques divers. « Entre l’idéal et le possible, il y a de la marge ! ».

Verdict : le RGPD est acquitté par l’assemblé à 64 votes contre 36.

Valentine
Valentine

Arrivée sur terre il y a quelques lustres, Valentine entre aujourd’hui dans le métier de la communication. C’est non sans intrépidité qu’elle a intégré la Sorbonne en philosophie après une classe préparatoire littéraire (A/L). Après un mémoire sur la place de l’éthique dans la société actuelle à partir d’Aristote, Valentine poursuit son cursus en éthique appliquée. Autrement dit elle s’intéresse aux actions des entreprises et des institutions publiques, proposant alors des solutions de conseil afin d’accompagner leurs prises de décision. Au coeur de l’économie numérique, les rouages de la communication autour de l’innovation la passionnent. C’est pour cela que Valentine a rejoint l’équipe de Tikibuzz, une agence de communication et de marketing, en 2018. Aujourd’hui, elle a le plaisir de s’aventurer sur le terrain de l’éditique et de la gestion de la communication client, afin de vous proposer chers lecteurs, des reportages et des témoignages pour votre média DOCaufutur.

Written by Valentine

Arrivée sur terre il y a quelques lustres, Valentine entre aujourd’hui dans le métier de la communication.
C’est non sans intrépidité qu’elle a intégré la Sorbonne en philosophie après une classe préparatoire littéraire (A/L). Après un mémoire sur la place de l’éthique dans la société actuelle à partir d’Aristote, Valentine poursuit son cursus en éthique appliquée.
Autrement dit elle s’intéresse aux actions des entreprises et des institutions publiques, proposant alors des solutions de conseil afin d’accompagner leurs prises de décision. Au coeur de l’économie numérique, les rouages de la communication autour de l’innovation la passionnent.
C’est pour cela que Valentine a rejoint l’équipe de Tikibuzz, une agence de communication et de marketing, en 2018.
Aujourd’hui, elle a le plaisir de s’aventurer sur le terrain de l’éditique et de la gestion de la communication client, afin de vous proposer chers lecteurs, des reportages et des témoignages pour votre média DOCaufutur.