Aujourd’hui le Graal du monde hospitalier tient en quelques lettres : les données ! Mais le défi de sa collecte reste toujours aussi colossal, les obstacles étant aussi bien réglementaires que budgétaires. Pour les surmonter, l’IoT* et les solutions logicielles connectées se développent au sein des hôpitaux. Des solutions d’interopérabilité ayant pour objectif de rendre le système le plus agile et le plus réactif possible.
Avis d’expert de Olivier Camuset, Ingénieur Avant-Ventes pour Ascom France SA, filiale d’Ascom fournisseur international de solutions de communication axées sur les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans le secteur de la santé.
Mais qu’est-ce que l’IoT en milieu hospitalier
Le milieu hospitalier est l’un des plus riches en objets communicants. En réanimation, USC et au bloc opératoire les objets connectés sont aussi bien les moniteurs, des respirateurs, des machines d’hémofiltration, d’ECMO,…
Dans les services SSR et EHPAD, les objets communicants sont plus liés à la vie courante, il s’agit des lits, des détecteurs de portes, fenêtres, détecteurs de chute, piluliers connectés…
De manière transverse dans l’hôpital la dispensation médicamenteuse, la surveillance de réfrigérateurs, la détection d’incendie, d’intrusion et autres senseurs permettent de monitorer une grande partie de l’environnement.
Concrètement, médecins, IDE, ingénieurs informatiques, techniques et biomédicaux travaillent quotidiennement avec des objets connectés, de l’Internet des objets (IoT).
L’IoT en milieu hospitalier est à l’origine de collectes massives de données, multiples notifications d’alarmes en temps réel et de l’alimentation des dossiers patients.
Hyper-connectivité et interopérabilité : une nécessité !
Le paysage technologique en milieu hospitalier est hétérogène. Ce constat réalisé à l’échelle nationale ou locale rend les projets de convergence, soutenus par les directions informatiques, biomédicales et techniques, particulièrement délicats. D’après une étude publiée par TIC Santé, au 1er janvier 2018, près de la moitié des GHT** n’aurait toujours pas eu de schémas directeurs de leurs systèmes d’information rédigés, ni le budget alloué pour leur convergence. Pour permettre cette réalisation, leurs briques technologiques d’IoT intra hospitalières devraient être uniformisées, entre elles et avec d’autres systèmes tels que les « medical device », les appels malades, lits connectés et même les réseaux de domotiques, le système incendie et le système intrusion.
Le remplacement à neuf de l’ensemble des briques en place étant bien entendu inenvisageable, les hôpitaux doivent adopter des solutions ouvertes en offrant une vision globale de leur SI***. Au travers de ses interopérabilités, ils pourront ainsi exploiter des outils de pilotage en temps réel et générer de la data structurée.
Au sein des hôpitaux, plusieurs logiciels et objets connectés concurrents sont utilisés dans un même service. La communication entre les différents services en devient extrêmement limitée. L’objectif pour 2018 est de faire communiquer des objets connectés sous un langage commun. Les données devront être toutes agrégées, pour ensuite être repoussées vers d’autres systèmes.
L’IoT médical ou IoMT : constitution d’un trésor de savoir
La consumérisation des objets connectés dans l’espace privé s’avère être un excellent indicateur pour la santé publique. Tous les acteurs sont impactés : professionnels de santé, patients, familles, aidants… car ces objets, dès lors que leur conception et leur usage sont certifiés conformes (en milieu intra hospitalier ou télémédecine), permettent la récupération d’une quantité pharaonique de données à la fois médicales, sociales et comportementales.
Près de 83% des Français se sont dits prêts à partager leurs propres données de santé sous certaines conditions, selon les résultats d’un sondage Odoxa de novembre 2017. Les répondants se sont montrés favorables au partage de leurs données de santé lorsqu’il s’agit d’améliorer les diagnostics et les décisions et traitements médicaux, d’améliorer la qualité et la coordination des prises en charge, de faire avancer la recherche médicale et de mesurer la performance des acteurs du soin et des produits de santé.
Les hôpitaux, qui deviennent progressivement certifiés hébergeurs de données de santé sont de véritables gisements de données patients. En parallèle, l’arrivée de règlementations telles que le RGPD permettent d’encadrer la collecte et les usages de chacun de ces éléments. Devenue une réelle mine d’or, majoritairement délaissée, ces datas collectées peuvent être agrégées, traitées, anonymisées, puis redistribuées afin de servir la recherche clinique et la recherche organisationnelle du milieu hospitalier.
L’exploitation de ces données est plus qu’une opportunité, c’est un devoir que nous avons.Comment justifier une utilisation partielle des informations renseignées dans les dossiers afin de traiter nos patients ?
Une matière première inexploitée
En effet, les politiques de prévention se sont vus trop souvent délaissées au profit du curatif. Exploiter les données à des fins de prévention doit donc être une priorité pour améliorer l’état de santé de la population. Sortir de cette spirale coûteuse, source de mal être au travail, est d’ailleurs l’un des objectifs affichés de la Ministre de la Santé, Dr. Agnès Buzyn.
L’analyse de données permettra d’adopter un modèle plus prédictif. En effet la confrontation des données cliniques structurées, avec les connaissances médicales déjà acquises permettra de détecter de manière plus précise les terrains à risque ou même l’apparition de pathologies.
A l’inverse en enregistrant et en analysant tous les effets des multiples associations de molécules sur les paramètres cliniques (cardiaques, respiratoires, hémodynamiques…) de nos patients, toujours plus polypatologiques, nous pourrons contrôler et préciser leur efficacité réelle et leur action potentielle sur d’autres pathologies. Nos bases de connaissance se verront ainsi complétées par des quantités massives de « real dataevidence ».
En parallèle, se développe, la médecine dite personnalisée qui permet d’ajuster en quasi temps réel le traitement à chaque terrain et en fonction du patient afin d’éviter les médicaments et classes thérapeutiques à risque iatrogène. Par conséquent, les technologies Big Data apporteront, de toute évidence, des compléments de réponse qui permettront à la médecine personnalisée de le devenir vraiment.
Le Big Data issu des IoMT apparaît donc comme un véritable accélérateur de R&D, en ce qu’il permet une analyse contextualisée d’une grande masse de données. Mais ces données sont également de plus en plus variées et prennent des formes de plus en plus diverses. D’où l’apport croissant d’outils d’agrégation, socle de l’intelligence artificielle et du machinelearning, qui permettent, à partir d’algorithmes décisionnels complexes, d’obtenir des réponses automatiques et précises à des problématiques médicales pointues.
Tous ces dispositifs doivent communiquer et coexister au sein d’écosystèmes technologiques complexes et d’infrastructures à la fois fiables et puissantes. Car rien ne sert de courir après la donnée si rien, derrière, ne permet de correctement la stocker et l’exploiter.
L’interconnexion structurée et sémantique des IoT est le socle de l’hôpital proactif permettant une utilisation équilibrée de nos moyens.
*IoT : Internet of Things ou internet des objets. IoMT : Internet of Medical Things
**GHT : Groupement hospitalier de territoire
***SI : Systèmes d’Information