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Dématérialisation : le DAF au cœur de l’évolution vers l’entreprise numérique – Interview de Jean-Marc Jagou, Président de l’Association Xplor France

Interview de Jean-Marc Jagou[1], Président de l’Association Xplor France, conduite par Paul Philipon-Dollet, journaliste DOCaufutur, l’avenir du document, lors de la conférence du 11 juin 2014 organisée par DAF Magazine.

La dématérialisation est un sujet pour les entreprises depuis de nombreuses années. Ses avantages et opportunités sont aujourd’hui reconnus autant par les DSI que par les DAF. Ainsi, une étude DIMO Gestion Ernst & Young menée auprès de 217 DAF et DSI début 2014 confirme que la dématérialisation des factures est une priorité pour 79% des entreprises sondées devant la dématérialisation du processus client (50%).

Amélioration de la performance opérationnelle, simplification des relations avec les clients, et réduction des coûts, comment tirer profit de ces opportunités ?

Qu’est-ce que la dématérialisation ?

Jean-Marc JagouJM Jagou: Avant tout, c’est une question de processus ; l’informatique n’est qu’un moyen, un outil au service d’une fonction. Beaucoup d’entreprises « plongent » dans le choix d’outils sans avoir fait une étude fonctionnelle de besoin, alors qu’il faut seulement savoir ce que peuvent faire les outils pour établir une expression de besoin pertinente.

En quoi la dématérialisation met-elle l’entreprise sur la voie de la transition numérique ?

Parce qu’elle oblige à « repenser » le numérique ! On ne dématérialise pas un flux papier par de la simple numérisation « et on fait comme avant ». On « repense » sa manière de travailler avec le numérique. Regardez par exemple le Groupe Pernod Ricard qui « pense » numérique dans toutes ses applications client.

Toute la puissance d’un outil doit pouvoir être utilisée dans des processus repensés. J’ai l’exemple d’une Banque qui repense le Dossier Client avec l’arrivée de la dématérialisation au travers, entre autres, d’une question sur le formulaire d’entrée en relation bancaire : faut-il procéder à la numérisation ou à une saisie directe avec les contrôles associés en ligne ?

Je viens tout récemment de réaliser une note de cadrage Dématérialisation pour une banque (à l’étranger) ; au-delà des gains qu’elle veut légitimement mesurer, le mot d’ordre, c’est « comment y on va », pas « est-ce qu’on y va ». Même si ça ne doit pas empêcher de se poser les bonnes questions «  pour quoi faire ? »

Quel rôle le DAF doit-il jouer ? Sur qui peut-il s’appuyer ?

Le DAF a plusieurs rôles et responsabilités :

  • Au plan « A » de « Administratif », il est au cœur de l’organisation et du pilotage de son efficacité. Pour cela, c’est lui qui doit être l’initiateur de progrès d’organisations de fonctionnement par, entre autres, l’outil de la Dématérialisation.
  • Au plan «F », de « Financier », il est doit être vigilant sur les gains attendus sans se cantonner dans les seuls gains « capturables » mais il doit en appréhender toutes les dimensions.
  • Enfin, au plan Comité de Direction, il doit piloter la recherche de réponses aux besoins fonctionnels, et faire piloter les aspects techniques par la DSI qui apporte son expertise informatique et technique au service d’exigences fonctionnelles.

Le recours à des spécialistes externes est à mon sens impératif, pour plusieurs raisons :

  • Pour le DAF, il faut une combinatoire « vision Organisation » «  expertise dématérialisation » et « approche économico-financière » pour lui apporter les éléments de décision complets.
  • Pour le DSI, sauf s’il dispose d’expertise interne sur le sujet, une vision externe est importante, compte tenu de l’étendue immense des savoirs à acquérir pour maîtriser tous les sujets de l’informatique. En revanche, l’implication de la DSI est incontournable, pour valider les préconisations organisationnelles et techniques des experts extérieurs et confirmer les comptabilités techniques.

Tous mes succès en « Démat » se sont toujours déroulés avec un Pilote donneur d’ordre fonctionnel (service métier, DAF ou proche des fonctions supports associées), étroitement soutenu par la DSI. La séparation des deux compétences ne mène à rien.

Business people over machine gear wheel. Cogwheel.On dit souvent que la dématérialisation implique de revoir les processus métier en profondeur ? Comment anticiper ce bouleversement et s’y préparer efficacement ?

C’est indispensable, sinon on ne gagne rien ou très peu. Une analyse de processus préalable doit être effectuée, avec en tête ce que la démat peut réaliser.  De plus, l’analyse des processus, qui précède la refonte, fait elle-même partie de la nécessaire conduite du changement. ll faut donc largement anticiper le changement, sans forcément savoir ce qui sera réellement changé ni surtout comment !

Une bonne pratique consiste à se poser des questions globales au plan de l’étude préalable, car les études ne « coûtent » pas autant qu’une expérience malheureuse. J’ai par exemple le cas d’un département d’une importante société d’étude de marché qui fait analyser tout son fonctionnement et toute son organisation avant de se lancer dans des processus dématérialisés et avant la mise en œuvre d’outils sophistiqués. N’ayant pas connaissance de ce qui se fait sur le marché, les dirigeants de ce département sont « ouverts » aux améliorations sans a priori et sans angle de vision « technique ».

Businessman working on tablet computer - producing chartsPeut-on être plus précis sur les types de gain à attendre et à quelles situations d’entreprise correspondent-ils ?

Il y a 5 types de gains qui constituent une grille de lecture permettant de calculer, selon ceux que l’on prend en compte, un retour sur investissement :

  1. Les gains capturables, comme la réduction de consommation papier.
  2. Les gains de productivité, consistant à faire le même volume de travail en moins de temps. Cependant il faut prendre garde à être certain de pouvoir effectivement « récupérer » le temps gagné !
  3. Les gains de performance commerciale, rendant l’entreprise plus efficace en chiffre d’affaires ou en parts de marché, par une amélioration des processus internes.
  4. La réduction des risques, améliorant le niveau de qualité, réduisant les risques d’incident, ou permettant la sécurisation de l’information documentaire.
  5. Enfin, l’amélioration des conditions de travail, qui peuvent être un facteur de fiabilité, de fidélité, voire d’efficacité du personnel.

J’ai l’exemple d’une entreprise de l’industrie agro-alimentaire, qui visait en priorité, par la dématérialisation, la réduction des risques puis les gains de productivité, tandis qu’une Banque parmi mes clients, recherche dans l’ordre décroissant les gains de productivité, la réduction des risques et bien sûr les gains capturables.

En fonction du type de gain attendu, faut-il mettre en œuvre des stratégies spécifiques ? En quoi les outils permettent-ils d’y parvenir ?

On ne commence notamment pas par les mêmes périmètres. Si l’entreprise recherche d’abord des gains de productivité, elle s’orientera vers la conduite du changement. Si elle veut une réduction des risques, elle focalisera plutôt sur la qualité. Et si elle cherche les deux, (par exemple, le cas de mon industrie agro-alimentaire), les applications plus orientées clients seront retardées.

En introduction, nous évoquions le fait qu’il existe plusieurs approches en matière de dématérialisation en fonction de ce que l’on dématérialise :

  • la dématérialisation des factures et des documents fiscaux
  • la dématérialisation des processus client
  • et pourquoi pas celle de processus internes entre les agences ou sites d’un même groupe

Est-ce que ce sont trois étapes d’un même processus ou trois processus distincts ? Peut-on employer la même stratégie ?

Ce sont 3 processus différents. Le 1er est assez « circonscrit » à la sphère finance, le 2ème est à plus fort enjeu et n’implique pas forcément les mêmes acteurs, tandis que le 3ème est plus impliquant pour l’entreprise.

Il n’y a pas de stratégie standard, car il faut tenir compte de la culture et de l’histoire de l’entreprise. J’ai l’exemple d’un client bancaire qui a déjà tenté des expériences éparses de dématérialisation et dont la stratégie d’unification de moyens est difficile, et qui s’interroge sur l’intérêt de cette méthode. A contrario, un client industriel qui n’a approché que la dématérialisation de factures a une stratégie de centralisation « technique » des ressources informatiques plus facile et plus naturelle, mais pour qui la notion de « partage » est moins facile à faire passer.

Le DAF a-t-il un rôle plus général à jouer de coordinateur métier des projets de dématérialisation ?

Comme je le disais précédemment, c’est la partie « A » Administrative qui compte, même si le DAF délègue, il reste responsable de l’efficacité du fonctionnement de l’entreprise

Pour conclure, pourrais-t-on donner trois conseils aux entreprises sur la manière d’atteindre les objectifs de la dématérialisation ?

Dans l’ordre :

  1. Prendre le temps d’avoir une vision complète, globale et à moyen terme de la dématérialisation, de ses bénéfices et de ce qu’on en attend au plan opérationnel
  2. Savoir commencer par des petits pas, pour tester et perfectionner
  3. Impliquer le personnel le plus en amont possible, pour lever les craintes et mobiliser les capacités créatives et contributives

 

 

[1] Jean-Marc Jagou, Consultant en processus documentaire pour le cabinet Exceo et Président de l’Association XPLOR, communauté d’experts de la gestion des documents d’entreprise.

 

Corinne
Corinne

Depuis plus de 25 ans dans le métier de la communication et du marketing, Corinne a démarré sa carrière à la télévision avant de rejoindre une agence événementielle. Curieuse dans l’âme, elle poursuit sa carrière dans l’IT et intègre une société de conseil en éditique puis entre chez un éditeur de logiciels leader sur son marché, SEFAS. Elle est ensuite nommée Directrice Communication chez MGI Digital Graphic, constructeur de matériel d’impression numérique et de finition international coté en bourse. Revenue en 2008 chez SEFAS au poste de Directrice Marketing et Communication groupe, elle gère une équipe répartie sur 3 géographies (France, Etats-Unis et Angleterre), crée le groupe utilisateurs de l’entreprise et lance un projet de certification ISO 9001, ISO 14001 et ISO 26000 couronné de succès. Pendant 7 ans membre du conseil d’administration de l’association professionnelle Xplor France et 2 ans sa Présidente, Corinne a créé dès 2010 TiKibuzz, son agence de marketing et de communication. Elle devient Directrice de la Communication en charge des Relations Presse, du Lobbying et du marketing digital chez DOCAPOST, groupe La Poste, durant 3 ans avant de rejoindre la start-up FINTECH Limonetik, en 2013. C'est cette même année qu'elle crée votre média professionnel, DOCaufutur, l'avenir du document.

Written by Corinne

Depuis plus de 25 ans dans le métier de la communication et du marketing, Corinne a démarré sa carrière à la télévision avant de rejoindre une agence événementielle. Curieuse dans l’âme, elle poursuit sa carrière dans l’IT et intègre une société de conseil en éditique puis entre chez un éditeur de logiciels leader sur son marché, SEFAS. Elle est ensuite nommée Directrice Communication chez MGI Digital Graphic, constructeur de matériel d’impression numérique et de finition international coté en bourse. Revenue en 2008 chez SEFAS au poste de Directrice Marketing et Communication groupe, elle gère une équipe répartie sur 3 géographies (France, Etats-Unis et Angleterre), crée le groupe utilisateurs de l’entreprise et lance un projet de certification ISO 9001, ISO 14001 et ISO 26000 couronné de succès.
Pendant 7 ans membre du conseil d’administration de l’association professionnelle Xplor France et 2 ans sa Présidente, Corinne a créé dès 2010 TiKibuzz, son agence de marketing et de communication.
Elle devient Directrice de la Communication en charge des Relations Presse, du Lobbying et du marketing digital chez DOCAPOST, groupe La Poste, durant 3 ans avant de rejoindre la start-up FINTECH Limonetik, en 2013. C'est cette même année qu'elle crée votre média professionnel, DOCaufutur, l'avenir du document.