Fujitsu n’est pas le premier constructeur à annoncer la transformation d’un fournisseur de matériel à un apporteur de solutions. Ce pari peut-il réussir ?
J.L De la Salle : Oui mais les obstacles sont significatifs, et ils sont tous liés au changement de culture. Dans l’histoire récente, plusieurs grands noms de l’informatique ont dû renoncer. Le dernier en date est EMC Dell, qui se sépare de sa division logicielle. Je pourrais aussi citer Lexmark, HP ou Xerox. Cela fait beaucoup d’échecs. Il faut bien comprendre que pour un fournisseur de matériel comme Fujitsu, l’essentiel de l’activité reste liée à la vente d’équipements, et il en va de même pour ses distributeurs. Au cours du panel en séance plénière, il n’y a eu que deux distributeurs sur toute l’assistance à indiquer que les solutions intégrées de capture d’information représentaient plus de 25% de leur activité. L’arithmétique est simple, vous ne pouvez pas concrétiser une stratégie de transformation si vos équipes de vente se concentrent sur d’autres objectifs.
A quoi attribuez-vous ces difficultés ?
L’un des premiers défis est de concilier des cycles de vente différents à tous points de vue, non seulement en raison des interlocuteurs auxquels on s’adresse, l’informatique dans un cas, les métiers dans l’autre, mais aussi en termes de rythme. Il faut en moyenne deux ans pour faire aboutir un projet logiciel d’envergure, contre quelques semaines pour une commande de matériel. Par ailleurs, ces projets à valeur ajoutée exigent d’entrer dans le métier du client, c’est-à-dire d’adopter une approche verticale par secteur d’activité qui n’est pas accessible à toutes les tailles d’entreprise. Le deuxième défi, c’est que constructeurs et partenaires sont eux aussi sur des échelles de temps différentes. Les premiers peuvent facilement supporter des cycles de vente longs là où les seconds cherchent naturellement des victoires plus rapides. La verticalisation des marchés, et plus particulièrement dans un pays dominé par la commande publique comme c’est le cas en France, nécessitera une profonde transformation de la manière dont le constructeur interagira avec ses partenaires.
Le marché du scanner reste très lié à l’avenir du papier et l’on dit depuis longtemps que celui-ci est en déclin ? Est-ce une stratégie pérenne ?
Il faut poser le problème autrement. Pour un constructeur comme pour un partenaire, la question n’est pas celle de la lente décroissance du papier, à un rythme moyen de 2 à 3% par an, mais celle de l’impact de cette baisse sur l’activité. Il faut déterminer à partir de quel seuil ce déclin constitue une menace pour la pérennité de l’entreprise. Un autre paramètre à prendre en compte est le rythme d’adoption des technologies. Le fait qu’une technique, la signature électronique par exemple, soit disponible ne signifie pas qu’elle soit utilisée. A court ou moyen terme, je vois d’autant moins de recul du marché du scanner professionnel que l’évolution de la réglementation européenne va pousser dans le sens inverse. Les nouvelles règles sur la protection des données vont par exemple exiger de toute entreprise qu’elle puisse restituer l’information au consommateur sur demande, que celle-ci soit stockée sur support papier ou sous forme numérique. Et les entreprises n’auront pas beaucoup de temps, environ deux ans, pour s’adapter. Cela implique une refonte totale, et effectivement une harmonisation, des processus d’acquisition et de classification de l’information.